L’ACTE D’OFFRANDE DES CARMELITES DE COMPIEGNE
La Fondation du carmel de Compiègne
L’Ordre de Notre-Dame du Mont Carmel a été réformé en Espagne dès 1562 par sainte Thérèse d’Avila, dans le but, notamment, d’obtenir que Dieu fasse cesser les grands malheurs que connaissaient la France et l’Eglise, divisées par les guerres de religions.
La première fondation en France du Carmel réformé s’est faite à Paris, en 1604, par un groupe de carmélites espagnoles grâce à Monsieur Jean de Brétigny, le Cardinal de Bérulle et Madame Acarie.
Le Carmel de l’Annonciation, fondé à Compiègne en 1641, en était la 53ème fondation française. Situé, dès l’origine, à proximité immédiate du château royal de Compiègne, ce Carmel reçut de fréquentes visites des souverains français successifs, pendant leurs séjours à Compiègne, ainsi que celles de leurs familles et invités, et bénéficiait de leur soutien.
Depuis 1789, Mère Thérèse de Saint-Augustin (née Marie Madeleine LIDOINE) est prieure. Celle-ci avait choisi son nom de religion en reconnaissance envers Madame Louise de France, (dernière fille de Louis XV), devenue supérieure du Carmel de Saint-Denis, sœur Thérèse de Saint Augustin. Elle avait facilité son admission au Carmel de Compiègne par le versement de la dot requise.
Cette religieuse à l’esprit de douceur, de sagesse et de prudence, était empreinte de la spiritualité inspirée par Sainte Thérèse d’Avila.
La Révolution Française
En 1789 éclate la Révolution française. La loi du 29 octobre 1789 interdit les vœux monastiques, Sœur Constance (MEUNIER) novice, ne peut donc pas faire sa profession, mais désire rester avec la communauté malgré les avances de sa famille.
Le 14 septembre 1792, fête de l’Exaltation de la Sainte Croix, les carmélites sont expulsées de leur monastère et sont hébergées par des habitants de Compiègne. Les sœurs s’organisent pour continuer leur vie de carmélites - vie de prière, de travail et d’amour fraternel - les maisons abritant les sœurs étant assez rapprochées, elles peuvent se retrouver pour se stimuler.
Après l’expulsion, pendant quelques mois elles purent assister à la Sainte Messe en l’église Saint Antoine de Compiègne (elles entraient par la petite porte, côté Est de l’église).
L’acte de Consécration
Face à la tourmente révolutionnaire, suivant le désir de leur prieure, Mère Thérèse de Saint-Augustin, qui en avait reçu l’inspiration dans la prière, ces vraies filles de sainte Thérèse d’Avila s’offrent à Dieu “pour que cette divine Paix que son cher Fils était venu apporter au monde fût rendue à l’Église et à l’État”. Jusqu’à leur mort, elles renouvelleront ce don.
En 1693, une sœur, dans un rêve, avait vu une communauté de sœurs, sauf 2 ou 3, monter au ciel revêtues d’un manteau blanc ! « Le ciel, dirent nos Mères, nous réserverait-il la gloire du martyre ? »
Cette démarche s’inscrit dans la démarche spirituelle de Thérèse d’Avila qui nous parle d’aventurer notre vie pour le Christ et qui invitait ses filles à livrer leur vie pour l’Église.
Le Martyre
Le 21 juin 1794, elles sont arrêtées et jetées en prison. Le 12 juillet, c’est le départ pour la Conciergerie.
Petit clin d’œil du ciel : Elles avaient insisté à plusieurs reprises pour pouvoir faire la lessive des vêtements civils qu’elles portaient, et le Comité de Surveillance avait fini par leur en accorder la permission. Pendant cette lessive, elles n’ont d’autre choix que de reprendre leurs vêtements religieux et voilà le départ pour la Conciergerie !
Elles sont donc transférées en habit religieux.
Après un arrêt à Senlis, le convoi arrive dans la cour de la Conciergerie vers trois ou quatre heures de l’après-midi, le dimanche 13 juillet.
Le 17 juillet, au paroxysme de la Terreur, simulacre de procès : sans témoins, elles sont condamnées à mort “pour leur fidélité à la vie religieuse et leur dévotion au Sacré-Cœur”.
Sur le chemin de l’échafaud, elles prient et chantent. Devant une foule exceptionnellement silencieuse, après avoir reçu la bénédiction de la prieure, qui montera la dernière, chacune gravit les marches de l’échafaud en chantant le psaume "Laudate Dominum omnes gentes" (Louez le Seigneur, tous les peuples...). La prieure présente à chacune une petite statue de la Sainte Vierge qu’elle tenait dans sa main, et avant de monter à l’échafaud, elle la lancera dans la foule. C’est ainsi que nous avons cette petite statue, actuellement dans la crypte du carmel.
« Toute une communauté appelée à suivre l’Agneau, à 2 ou 3 près », avait vu la sœur Elisabeth Baptiste dans son rêve. Effectivement, seules survécurent les sœurs Stanislas de la Providence et Thérèse de Jésus, retournées en famille plusieurs mois auparavant, ainsi que la sœur Marie de l’Incarnation, éloignée quelque temps de Compiègne pour régler un problème administratif, et qui échappa involontairement au martyre collectif.
L’Histoire, Hier et Aujourd’hui
C’est à cette dernière, sœur Marie de l’Incarnation, que l’on doit la rédaction, faite sur la fin de sa vie à l’incitation du futur cardinal Villecourt, de « La Relation du Martyre des Seize Carmélites de Compiègne », travail qui a permis que l’Histoire conserve maints détails des dernières années de cette Communauté.
Béatifiées le 27 mai 1906, nos seize religieuses seront peut-être un jour canonisées. Lors du colloque organisé les 7/8 mai 1994 pour leur bicentenaire par la Société Historique de Compiègne, Monseigneur Adolphe-Marie Hardy, évêque de Beauvais, exprimait le souhait que sainte Thérèse de l’Enfant Jésus intervienne pour leur canonisation. En écho, Monseigneur Guy Gaucher, évêque auxiliaire de Lisieux, souhaitait à son tour que les Bienheureuses intercèdent pour la reconnaissance de Sainte Thérèse comme Docteur de l’Eglise, reconnaissance que Jean-Paul II a proclamée en 1997, lors des XIIèmes Journées mondiales de la Jeunesse à Paris.
La question est maintenant de savoir auquel de ses successeurs il incombera de donner de la part du Ciel une réponse officielle à la mission que Monseigneur Hardy a confiée à Sainte Thérèse.
La Renommée
Au XXème siècle, l’histoire des Bienheureuses s’est répandue dans le monde entier, maintes fois reprise, mais arrangée, notamment grâce aux ouvrages de Gertrud von Le Fort et de Georges Bernanos, à l’opéra de Francis Poulenc et au film du Père Bruckberger.
De nombreux ouvrages historiques (voir rubrique bibliographique) ont vu aussi le jour pour nous faire entrer dans la réalité de leur vie et de leur mort, mais aussi dans le sens de leur martyre.
Pour nous aider à réaliser combien le message d’amour des Bienheureuses Carmélites,
offrant leur vie pour la paix dans l’Eglise et dans le monde, est d’une actualité brûlante en ce début du XXIème siècle, laissons la parole à Monseigneur GAUCHER :
« La Communion des Saints nous donne de les prier pour qu’elles nous aident à être témoins de l’Amour miséricordieux dans un monde de violence où les martyrs abondent et où nous constatons que le sang versé fait surgir des fécondités inespérées ».
Les Seize Bienheureuses Carmélites Martyres :
Sœur Euphrasie de l’Immaculée Conception (M.-Cl. Brard), choriste, née le 12 mai 1736 à Bourth (Eure)
Sœur Saint-Louis, (Marie Anne F. Brideau), sous-prieure, née le 7 déc. 1751 à Belfort(Haut-Rhin)
Sœur Julie Louise de Jésus (Rose Chrétien de Neuville), choriste, née le 30 déc. 1741 à Evreux (Eure)
Mère Henriette de Jésus (Marie-F. de Croissy), maîtresse des novices, née le 18 juin 1745 à Paris
Sœur Sainte Marthe (Marie Dufour), converse, née le 2 octobre 1741 à Bannes (Sarthe)
Sœur Thérèse du Cœur-de-Marie (Marie Anne Hanisset), choriste, née le 18 janvier 1742 à Reims
Mère Thérèse de St Augustin (Marie Madeleine Lidoine), prieure, née le 22 sept. 1752 à Paris
Sœur Constance (Marie Geneviève Meunier), novice, née le 28 mai 1765 à Saint-Denis
Sœur Henriette de la Providence (Marie Annette Pelras), choriste, née le 16 juin 1760 à Cajarc (Lot)
Sœur de Jésus crucifié (Marie Anne Piedcourt), choriste jubilaire, née le 9 déc. 1715 à Paris
Sœur Marie du Saint Esprit (Angélique Roussel), converse, née le 3 août 1742 à Fresne-Mazancourt (Somme)
Sœur Catherine (Anne Catherine Soiron), tourière, née le 2 février 1742 à Compiègne (Oise)
Sœur Thérèse (Thérèse Soiron), tourière, née le 23 janvier 1748 à Compiègne (Oise)
Sœur Charlotte de la Résurrection (Anne M. Thouret), choriste jubilaire, née le 16 sept. 1715 à Mouy (Oise)
Sœur Thérèse de Saint Ignace (Marie Gabrielle Trezel), choriste, née le 4 avril 1743 à Compiègne (Oise)
Sœur Saint-François-Xavier (Elisabeth Juliette Vérolot), converse, née le 13 janv. 1764 à Lignières (Aube)
SPIRITUALITE
PRIERE D'INTERCESSION
Prière pour obtenir des grâces par l'intercession des Bienheureuses Carmélites de Compiègne
Seigneur notre Dieu,
tu as appelé les 16 Bienheureuses Carmélites de Compiègne
à te montrer le plus grand témoignage d'amour
par l'offrande de leur sang
"pour que la paix soit rendue à l'Eglise et à l'Etat".
Souviens-toi de l'héroïque et joyeuse fidelité
avec laquelle elles t'ont glorifié.
Que Ta bonté manifeste leur faveur auprès de toi,
en accordant par leur intercession
la grâce (le miracle) que nous te demandons
dans les Coeurs de Jésus et de Marie.
Par Jésus le Christ notre Seigneur. Amen.
BIBLIOGRAPHIE SUCCINCTE
Les ouvrages suivants permettent une prise de connaissance approfondie du sujet :
La relation du martyre des seize Carmélites de Compiègne
Manuscrits inédits de Sœur Marie de l’Incarnation
Textes présentés et annotés par William Bush – Editions du Cerf - 1993
Le Sang du Carmel ou la Véritable Passion des seize carmélites de Compiègne
Auteur : Père Bruno de Jésus-Marie, carme déchaux
Editions Plon, Paris, 1954
Bulletin de la Société Historique de Compiègne (tome 34)
Actes du Colloque des 7 – 8 mai 1994 :
« Mort et renaissance du Carmel de France »
La dernière à l’échafaud
Auteur : Gertrud von Le Fort
Traduit de l’allemand par Blaise Briod
Editions DESCLEE de BROUWER – 1949
Dialogue des Carmélites
Auteur : Georges Bernanos
Editions du Seuil – Paris - 1949